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Détermination : les critères.

La détermination d'un fruit consiste à reconnaître à partir de critères significatifs son espèce et sa variété. La détermination de l'espèce est souvent aisée parce que les critères sont déterminants !
La plupart du temps, une observation visuelle rapide est suffisante. Exemple : la forme de la poire est si caractéristique qu'elle est devenue une référence dans le langage pour exprimer cette forme, bien au-delà du fruit. L'aspect extérieur, seul, ne permet pas toujours de préciser l'espèce. Autre exemple, pour les fruits à noyau, il faudra ouvrir le fruit et le déguster.


Les critères de détermination sont plus ou moins nombreux selon les espèces, plus ou moins caractéristiques, toujours propres à une espèce : lorsqu'on évoque la forme, les modèles proposés pour la pomme n'ont rien de commun avec ceux de la cerise ! La détermination de la variété est plus minutieuse. Elle dépend souvent de l'observation de nuances perceptibles par un « œil » exercé. Ce n'est qu'en manipulant, soupesant, découpant, longuement et sous toutes les coutures qu'on parviendra à mémoriser puis à retrouver le ou les détail(s) significatif(s).
Le contexte.
Les Croqueurs sont souvent amenés, à l'occasion d'expositions, à déterminer des variétés «sur le tas». Ce sont des conditions difficiles pour la détermination, à cause de l'état et du nombre réduit de fruits, à cause de la pression (le demandeur attend une réponse ferme !). Sauf à l'évidence du résultat (gare aux évidences !), il faut procéder avec méthode, observer et comparer avec un ou plusieurs ouvrages de référence (ici, le terme « ouvrage » peut être étendu à un fichier informatique). Il sera toujours préférable de ne pas donner une réponse douteuse et de poursuivre l'étude, quand cela est possible, par une recherche minutieuse, plutôt que de lancer un nom approximatif de variété ! «Sur le tas» ou à la maison, c'est en recoupant les indices, en alliant intuition et pistes qu'on trouvera une réponse. Sherlock Holmes au travail !
Critères, méthodes, exercices
Ce sont des ateliers de travail sur la pomologie qui permettent d'acquérir la maîtrise de ces notions. Notre association propose des stages de formation à la pomologie. Ces stages, réalisés par des bénévoles, s'avèrent insuffisants en nombre. Les adhérents, motivés par l'animation d'un stage, seront bien accueillis ! Plus simplement, le développement de petits ateliers de pomologie dans les associations locales, est une garantie d'émulation du savoir des Croqueurs. La méthode de détermination est d'abord personnelle, travailler en petits groupes permet de confronter les observations. Certains critères peuvent être considérés comme étant objectifs ; on peut mesurer la taille à partir d'un calibre, on peut apprécier la forme à partir de modèles. Ce n'est pas le cas de toutes les observations relatives, à la coloration (couleur de la peau ou de la chair), au goût (sucré, acide, parfumé), au toucher (huileux, rugueux). Pour faire partager les connaissances acquises à tous les Croqueurs, ceci doit amener à aller vers un langage commun. Quand on participe à un stage organisé au niveau national, on acquiert ce langage. Travaillant en petits ateliers, il y a le risque de dérive sur le sens de certains mots ; la nouvelle rubrique du bulletin « Les mots pour le dire », devrait ainsi permettre de mieux se comprendre.
A propos des critères
Je n'ai pas ici l'intention de faire une liste plus ou moins exhaustive des critères que l'on peut rencontrer, espèce par espèce. Pour les pommes et les poires, René Marlaud propose une méthode de détermination à partir d'un nombre réduit de six critères. L'UPF propose, pour les pommes, un tableau plus complet de trente-trois critères. Vercier, pour les cerises, propose sept critères. Chaque méthode répond à un « cahier des charges » que l'auteur s'est fixé. Ces méthodes peuvent servir de référence à l'étude d'un fruit, or pour le Croqueur, l'objectif premier est de mémoriser les silhouettes et les caractéristiques des variétés locales, afin de répondre à la demande d'identification qui lui est faite, vraisemblablement pour des fruits d'origine locale. Une méthode, quelle qu'elle soit, doit pouvoir s'adapter au plus grand nombre de cas. Cela pose deux problèmes. Prenons l'exemple des pommes.
Le compromis entre peu ou beaucoup de critères
Dans votre petit verger, vous pouvez rapidement repérer les variétés précoces et les variétés tardives. Si vous ajoutez à cet indice, la coloration de vos fruits, vous pourrez alors distinguer chacune de vos variétés. Si on raisonne sur le plan de l'inventaire national, ces deux seuls critères ne suffisent plus, il faut alors en ajouter d'autres (forme, taille, lenticelles, etc.). Et pour chaque critère, multiplier les nuances possibles (rouge, rouge strié, rouge lavé de rose,…). Autant de possibilités significatives, mais sujettes à une interprétation nuancée. Les hommes peuvent percevoir les nuances, rarement les ordinateurs ! Aussi, si vous utilisez un logiciel informatique pour vous aider dans la recherche, il faudra être très rigoureux dans l'appréciation. Ce qui inciterait à n'utiliser que des critères incontestables. Le risque, dans cas, est d'obtenir une proposition de variétés bien trop étendue pour être significative. Au contraire, un nombre trop important de critères, contribue au risque d'erreur d'appréciation, et, partant, de restituer une réponse erronée ou pas de réponse du tout.
Les cas limites
Très souvent l'échantillon de fruits présente plusieurs possibilités de réponses. Telle variété aura une forme tantôt ronde, tantôt aplatie, une taille tantôt moyenne, tantôt grosse. La méthode Marlaud donne la possibilité de noter ces quatre cas de figures. Un ordinateur peut facilement gérer cette situation, à condition d'avoir été renseigné en conséquence. A noter que le nombre d'enregistrements (de cas) que cela représente est égal à 2 puissance n, où « n » représente le nombre de critères pour lesquels il y aurait 2 propositions ! Il reste à celui qui fait la description de la variété de noter les possibilités multiples que peut donc présenter une variété. C'est loin d'être évident, la lecture de la description devient d'autant plus lourde : imaginez une pomme, le contour tantôt régulier, tantôt irrégulier, la couronne unie ou mamelonnée, la longueur du pédoncule court ou moyen, le calibre moyen à assez gros… La reconnaîtrez-vous ? C'est pourtant une partie de la description de… La Nationale (compilation des notations du Verger Français, de Vial, de Vercier, de la méthode de détermination R. Marlaud) !
Des critères externes
Les critères spécifiquement liés au fruit peuvent être complétés par l'observation d'autres informations. Prenons comme exemple, la floraison. Elle peut être particulièrement précoce ou tardive (Reinette de Savoie), la coloration des boutons floraux ou des fleurs est généralement très semblable, pourtant certaines variétés ont des couleurs très reconnaissables comme la texture et la couleur blanche de la « Framboise d'Oberland », la couleur rouge sombre de la « Tardive de Grosmagny ». L'observation de l'arbre peut apporter des renseignements complémentaires : port érigé ou retombant, sensibilité aux maladies, tronc robuste et droit, bois cassant. Il ne faudra pas oublier les habitudes d'usage pratiquées généralement : variété réservée pour les tartes, poire utilisée pour la distillation, etc. Un (ou plusieurs) de ces critères permet (tent) quelquefois de vérifier une hypothèse de solution.
A propos d'ateliers
Que l'on travaille individuellement ou en atelier, le but à atteindre est la connaissance suffisante permettant de répondre au premier coup d'œil : d'abord, « je connais cette pomme », ensuite « c'est La Nationale ». Pour arriver à cette connaissance, chacun est libre d'utiliser la méthode qui lui convient, c'est-à-dire « sa méthode », pourvu que l'objectif soit atteint. En atelier, la confrontation des connaissances et des méthodes de chacun est toujours valorisante. La réalisation d'outils tels que des listes de variétés triées différemment (exemple, par période de maturité, par coloration de l'épiderme, etc.), ou bien la mise en commun d'une bibliothèque de photographies sont des moyens pour se familiariser avec les variétés que l'on veut étudier. Toutes les variétés n'ont pas été décrites, loin s'en faut, surtout pour les pommes ; il ne faut donc pas oublier qu'il n'y a pas forcément une réponse au bout de l'étude (voir encadré).
En résumé

La détermination consiste à trouver une réponse à la question : quelle est donc cette variété ? Les critères sont des points de repère qui peuvent permettre de rechercher dans des ouvrages. La mémoire de nos sens peut suffire à donner une réponse correcte, une étude plus approfondie peut être nécessaire, mais dans tous les cas, ce sera la pertinence de notre observation qui donnera le meilleur résultat. L'observation sera l'objet du prochain chapitre. Et on peut dire déjà qu'une longue expérience à l'approche des fruits, aiguise notre sens de l'observation des nuances et des spécificités.


Michel Bonfante

Histoire d'une pomme entre Franche-Comté Nord et Bas Salon (70)

La pomme 17…, son histoire ou pourquoi une pomme porte-t-elle ce numéro ? Ce nom mérite une brève explication :
Dans les années 1985-1990, le groupe de pomologie de Franche-Comté Nord fonctionnait déjà à plein régime. En automne et en hiver, il se réunissait une ou deux fois par mois dans une salle de classe de l'école de Vandoncourt aimablement prêtée par l'instituteur local connu de tous. Ce groupe étudiait et tentait de déterminer beaucoup de pommes apportées par les adhérents ou récupérées par les membres du groupe dans les vergers de la région. Parmi les fournisseurs de fruits, il y avait un certain Germain Roussel, trop tôt décédé, animateur du petit groupe du Bas-Salon en Haute-Saône, devenu depuis, association locale. C'était au mois de février 1987 et les variétés commençaient à être « passées », voire trop mûres, pour une bonne identification.
Mais parmi ces fruits archi-mûrs émergea une pomme de taille moyenne, encore bien ferme, non ridée, juteuse et très goûteuse pour la saison. Comme elle était à déterminer, le sachet qui la contenait portait un simple numéro de repérage. Le groupe de pomologie s'évertua à lui trouver un nom en fouillant dans la nombreuse littérature pomologique à sa disposition, car une si bonne pomme devait obligatoirement avoir un nom !
Hélas, ce fut peine perdue… et même le recours aux récents logiciels n'avait pas donné de résultats. Nous avions bien trouvé une certaine ressemblance de ce fruit avec la « Rayée d'hiver » décrite par Leroy, mais il y avait trop de différences sur les caractères descriptifs. Etant donné la qualité de cette pomme, le groupe jugea qu'elle méritait d'être sauvegardée et placée en verger de sauvegarde à Autet (70) et Fesches (25), ce qui fut fait. Comme nous n'avions aucun nom à proposer, elle fut affublée du numéro du sachet qui la contenait, c'est-à-dire le N° 17 qui est devenu son nom de baptême.
Si vous entendez parler de la « 17 » ou si vous la voyez exposée sur un stand, ne soyez donc pas surpris ; c'est une pomme de qualité qui, pour l'instant, n'a pas d'autre nom que ce numéro. Elle est actuellement conservée au Pays de Montbéliard et probablement dans un des vergers créé par Germain Roussel dans son secteur du « Pays Graylois–Bas-Salon ».
Georges GUEUTAL

La pomme 17 photographiée fin février 1987 Verger de Fesches le Chatel (Doubs) après la deuxième fructification en 1992
 
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